Venus du Canada, d’Italie, d’Espagne, du Mexique et de France, les six artistes sélectionnés pour la création du parcours sont des personnalités affirmées de la scène street art internationale, des artistes dont les œuvres se déploient déjà dans de nombreux pays. Tous spécialisés dans la création de fresques grand format, voire monumentales, chaque artiste a développé un style et un langage artistique personnel.
La création du parcours street art est ainsi l’histoire d’une rencontre entre la Ville et l’univers d’un artiste-peintre.
Emmanuel Jarus a été choisi pour peindre la façade de la Maison Levanneur, associée au thème “Ville des Impressionnistes”, pour sa technique picturale, fortement influencée par le mouvement impressionniste.
C’est un véritable honneur et un privilège de peindre dans ce lieu mythique pour plusieurs raisons. La plus importante est que la majeure partie des célèbres tableaux de Renoir, parmi d'autres chefs-d'œuvre impressionnistes, ont été peints à quelques pas du mur où je crée mon travail. J’y pense chaque jour lorsque je peins. C’est émouvant. Avant mon arrivée en France, j'ai passé beaucoup de temps à écouter des podcasts sur la vie et les œuvres des impressionnistes français. J’en écoutais aussi en peignant ma fresque ! J'adore le travail des impressionnistes français, des naturalistes post-impressionnistes et du mouvement impressionniste canadien qui a été déclenché par la suite.
Le projet consiste à utiliser toutes les informations disponibles pour créer une œuvre d'art qui s'adapte à l'espace tout en utilisant mes qualités artistiques. Par exemple, non seulement je fais ma version à grande échelle de l'impressionnisme contemporain, mais je choisis aussi des éléments de l’environnement, comme les bâtiments autour de ma fresque, pour composer la palette de couleurs de la peau du sujet.
Les œuvres d'art provoquent différentes émotions selon les personnes. Donc je ne veux pas que les Catoviens et les spectateurs se sentent obligés de penser d'une manière ou d’une autre. Chacun est libre de ressentir ce qu’il veut.
Vesod a été choisi pour peindre la façade du Clos des canotiers, associée au thème “Route vers l'Étoile" pour sa capacité à réinventer l’espace et la perspective du paysage.
Mon œuvre est située sur la route qui mène à Paris, vers la place de l’Étoile. Le titre de cette fresque est Mémorie d'acqua, ce qui signifie en français Mémoires d'eau. Selon moi, pour représenter la connexion entre Chatou et Paris, l'eau est l'élément majeur. L'eau de la Seine relie la Ville à la Capitale et les peintres impressionnistes peignaient souvent le reflet de l'eau… Donc, de façon un peu surréaliste, l’eau coule de mon mur jusqu’à l'Arc de Triomphe. En utilisant cet élément, j'ai créé mon « monde à l'envers » où passé-présent-futur sont connectés grâce à l’eau.
Je laisse au spectateur la liberté de ressentir ce qu’il veut, nous ne pouvons pas contrôler les sentiments et j'aime ça. Il n'y a pas de message à proprement parler. J'essaie simplement de donner aux gens l'impression de l’existence d'un univers parallèle, de leur montrer qu’il y a quelque chose derrière ce que nous pouvons voir avec nos yeux, qu’il faut aller au-delà de la réalité.
Victor Ash a été choisi pour peindre les façades de l’Espace Hal Singer, associées au thème “Ville de Culture et musique” pour son langage plastique déclinant, en noir et blanc, les codes et les symboles de la culture pop contemporaine.
La musique a toujours été très présente dans ma vie. Elle est d’ailleurs encore une de mes inspirations principales dans mes créations. La musique a énormément contribué au développement de mes choix artistiques, notamment au début de ma carrière d’artiste. Aujourd’hui, j’apprécie plus particulièrement la musique en live… j’assiste souvent à des concerts et festivals. En ce qui concerne la littérature, j’ai étudié en France et grandi avec une oeuvre littéraire riche et conséquente… Quelques grands auteurs français m’ont beaucoup inspiré.
La fresque représentant Hal Singer est un portrait du célèbre jazzman lors de l’un de ses concerts. J’aime bien l’expression de son visage et le fait qu’il souffle dans son saxophone. C’est un plan rapproché de son visage extrait d’une photo prise en 1986. À l’origine, la photo est en noir et blanc, mais je lui ai appliqué un filtre bleu pour lui donner une connotation plus proche du jazz.
L’enfant portant la pile de livres est une fresque symbolique : j’ai voulu exprimer la richesse de la littérature française et le poids que cela porte sur les nouvelles générations. Je trouve que de nombreux écrivains français, notamment du XIXe siècle, ont placé la barre du talent très haute. C’est pour cette raison que j’ai peint le portrait de Guy de Maupassant sur la pile de livres. C’est à la fois un grand écrivain mais aussi un Catovien à un moment de sa vie.
À l’arrière du bâtiment, la DJ dans le jardin, est une référence à la musique électronique, plus spécifiquement aux soirées rave que je fréquentais parfois quand j’étais adolescent. Ces soirées m’ont marqué car elles se déroulaient souvent loin du centre ville, en pleine campagne. Pour y aller, il fallait se rendre à un point de rendez-vous puis conduire loin de Paris, au milieu de la nature. Je rentrais chez moi au petit matin en entendant les oiseaux : deux mondes se rencontraient alors, la nature et la musique électronique. J’avais envie de partager ce souvenir.
Mes œuvres dans l’espace public ne portent pas de message spécifique dans le sens où elles ne sont pas des revendications d’opinions. Je les choisis et les réalise plutôt pour qu’elles soient sujettes à interprétation par le spectateur. Chacun doit laisser libre cours à son imagination.
Vinie Graffiti a été choisie pour peindre la façade de la Résidence des Marolles, associée au thème “Diversité”, pour l’universalité de son personnage-fétiche.
Il est né petit à petit. À l'origine, je faisais des lettrages sur les murs de Toulouse. Je peignais avec un groupe d’amis. On se lançait des défis et on faisait tous des lettrages en fonction de notre univers. Nos fresques étaient collégiales.
Lorsque j’ai quitté Toulouse pour travailler à Paris, je me suis retrouvée toute seule face à mon mur blanc ! C’est à ce moment là que j’ai commencé à peindre ce que je dessinais sur papier, notamment ce personnage, même s’il a bien évolué depuis ses débuts… J’ai fait ce que j’avais dans la tête. Quand j’ai commencé à peindre ce personnage, j’ai voulu le dédicacer à mes amis graffeurs, puis à mes amis toulousains. Ainsi à force de mettre des mots, les cheveux du personnage ont beaucoup grossi et ça a fini en coiffure afro ! J’aime cette idée de mixité et de diversité, j’ai donc gardé ce principe de la coiffure afro, même si des mots n’illustrent pas toujours ses cheveux.
Je suis passée d’une signature « Vinie » à un personnage qui est devenu ma signature. Il me permet de tout dire, de m’adresser à tous, d’exprimer des sentiments, de raconter une histoire… ce qui est plus compliqué avec le graffiti. Il rassemble aussi toutes mes inspirations : la BD, le manga et le graffiti (les mots dans ses cheveux sont des bubbles, un style de graffiti). Il est donc avec moi depuis presque toujours sur papier et sur les murs depuis mon arrivée à Paris, en 2007… Et tant que je m’amuse encore avec lui, il existera !
Elle incarne la diversité à travers sa coiffure afro. Coiffure afro ne veut pas dire qu’elle est africaine. Elle n’a pas la peau noire, elle est violette, je l’ai fait exprès pour qu’elle ne soit pas stigmatisée. Dans ses cheveux, j’ai mis des mots en rapport avec ce que la thématique m’inspire, j’ai signé et localisé. On peut ainsi lire : respect, origines, diversité, différents, homme, femme, unis, nature, mais aussi Vinie et Chatou. J’ai eu envie de mettre les mots qui me font rêver. Je lui ai aussi mis la tête dans les nuages et les pieds sur terre. Quand on a les pieds sur terre, on sait que l’on vit dans un monde où existe le racisme et la discrimination, mais en lui mettant la tête dans les nuages, les yeux fermés, elle peut rêver à un monde plus idéal… en tout cas c’est mon rêve !
Je lui ai mis un legging ethnique, très coloré, avec des tissus qui m’ont inspiré dans le monde entier, notamment en Asie. Ces tissus me rappellent des souvenirs que j’ai souhaité introduire dans cette fresque pour faire voyager les Catoviens. Idem pour les bijoux. Enfin, je me suis adaptée au lieu car, au départ, elle devait être sur un fond bleu. Mais quand je suis arrivée devant l’immeuble, j’ai préféré jouer avec les couleurs du mur et la ligne sur laquelle est assis mon personnage existait déjà. Elle est vraiment ancrée dans le bâtiment.
Les nuages incarnent un monde de rêve et de poésie… Je veux faire rêver les habitants, je veux qu’ils rêvent avec elle, c’est pour ça qu’elle a les yeux fermés.
Je veux aussi m’adresser aux enfants, leur offrir un art gratuit et accessible. Au début de la réalisation de la fresque, les enfants de l’école voisine sont venus pour me poser des questions et à chaque passage ils m’applaudissaient. Ils m’ont encouragé. D’une manière générale, les Catoviens ont été extrêmement accueillants. Certains ont pris des photos tous les jours pour voir l’évolution de mon travail. D’autres ont discuté avec des inconnus devant ma fresque… l’art tisse un lien social et déclenche toujours une réaction. J’aime cette idée de partage et de dialogue.
Carlos Alberto GH a été choisi pour peindre la façade du Collège Auguste Renoir, associée au thème “Développement durable”, pour ses sujets engagés dans l’écologie et la dimension ludique du dispositif pictural.
Je crois vraiment que l'art est essentiel dans la vie de chacun et devrait faire partie de notre formation. L'art est une forme de communication sans frontières, nous n'avons donc pas besoin de parler la même langue pour nous comprendre. Pouvoir exposer mon travail dans un établissement scolaire et essayer de faire passer un message, comme prendre soin de l'environnement, c’est quelque chose de très important pour moi. Et si, d'une manière ou d'une autre, cette fresque peut inspirer les jeunes générations à agir pour préserver notre planète, mon objectif est atteint !
L’expérience dans ce collège a été fascinante pour moi. La réaction des jeunes devant mon travail a été positive et motivante. Au-delà de contempler le processus créatif de la fresque dans son intégralité -ce qui n’est pas habituel pour le public- ils deviennent aussi « des participants » en assistant à l’évolution de l’œuvre. Quand j'étais petit et que je regardais les grandes fresques murales au Mexique, je me suis toujours demandé comment elles avaient été réalisées… J'aurais aimé les voir peindre devant mes yeux. Alors j'espère sincèrement que mon travail contribuera à inspirer ces jeunes afin qu’ils s'intéressent davantage à l'art et s’impliquent dans la préservation de l'environnement.
Pas seulement les jeunes, toute la population. Il n'est jamais trop tard pour être responsable de nos actes et comprendre que chacun d'eux affecte notre environnement. Tout le monde doit prendre soin de la planète et de ses espèces. Nous devons protéger la nature et mener des actions qui assurent sa pérennité…
Tout d'abord, je veux que les enfants et les Catoviens soient heureux d'avoir de l'art sur les murs de leur ville. De plus, cette fresque s’inscrit, à travers le travail de Street Art for Mankind, dans un mouvement international plus large de sauvegarde de l’environnement. La planète est notre maison et, en tant que telle, nous devons en prendre soin mais aussi de chaque espèce qui l'habite… ce n'est qu'alors que nous pourrons coexister en tant qu'espèce !
Lula Goce a été choisie pour peindre la façade de la Résidence des Sabinettes, associée au thème “Ville de Jardins”, pour le lien nature/culture qui traverse l’ensemble de son œuvre.
J’ai grandi dans un petit village en Espagne entouré de nature et à côté de la mer, sur la côte atlantique, près du Portugal. Donc depuis que je suis petite, j’ai une relation très forte, très intense avec la nature. Je suis vraiment connectée à elle, c’est une part de moi. On était loin de la ville et des immeubles. Et même si je suis partie en ville pendant quelques années, je suis revenue vivre dans ce village, à Baïona. C’est là que je me sens bien… au milieu de la nature !
J’aime introduire des éléments issus de la nature dans mes œuvres et cette femme a une branche dans les cheveux. Comme si la nature était une part d’elle-même. C’est une femme connectée à la campagne, entourée de fleurs, notamment de coquelicots de différentes couleurs. Avant de venir à Chatou, j’ai fait des recherches et j’ai vu qu’il y avait beaucoup de châteaux et de jardins aux alentours. Les fleurs sont très présentes dans votre région, je voulais les représenter. C’est aussi un hommage aux tableaux impressionnistes, souvent liés à la nature. Les éléments naturels ont le pouvoir et ils portent cette femme. Elle représente un mélange de plusieurs populations : elle ne ressemble pas à une femme blanche, ni noire, ni asiatique, ni arabe… elle est universelle. Cela lui donne une part de mystère. Elle vient à la fois de nulle part et de partout ! J’aime l’idée de ce mystère et cette part de culture mélangée, car on est tous voisins.
Cette femme nous regarde, elle dialogue avec le spectateur.
Il y a aussi cette gargouille sur son épaule qui interpelle. Elle symbolise les peurs que l’on peut avoir. La gargouille est-elle positive ou négative, ange ou démon ? On ne sait pas. Est-ce qu’elle pleure ? Cet élément surnaturel cultive aussi la notion de mystère. Ce n’est pas une simple femme ! Il faut regarder plus loin.
Je peins toujours mon sujet en noir en blanc, je trouve que cela donne beaucoup de poésie au portrait. Le côté froid contraste avec les fleurs très colorées tout autour. Je trouve que l’ensemble donne énormément de force.
Je veux que les Catoviens trouvent leur propre signification, qu’ils se fassent leur propre opinion. Il faut juste se laisser porter par l’œuvre... J’aime partager mon art avec les gens. Un message ? Sensibiliser au pouvoir de la nature et au pouvoir des femmes ! Ce portrait montre que les femmes peuvent faire pleins de choses et être qui elles veulent !