L’Histoire consacre Pierre Michaux (1813-1883) et son fils Ernest, serruriers en voitures (hippomobiles) établis à Paris dans le secteur de l’actuelle avenue Montaigne, comme « inventeurs du vélocipède à pédales ». Selon leur revendication, appuyée par des témoignages tardifs et fluctuants, non étayée de preuves formelles, c’est en 1861 en essayant une draisienne qu’ils réparaient, qu’ils auraient eu l’idée d’y adapter un « axe coudé dans le moyeu de la roue (avant) » pour la faire « tourner (comme) une meule ». Ils n’ont pas déposé de brevet.
Le Français Pierre Lallement (1843-1891) est également cité pour son brevet obtenu aux États-Unis le 20 novembre 1866.
Rapidement, le nom de « vélocipède à pédales » fut supplanté par « vélocipède » tout court. Ce qui ajoute à la confusion dans les recherches historiques, les Anglais le baptisent « boneshaker », littéralement « secoueur d’os », ce qui paraît un peu abusif. Rapporté à la draisienne, l’adjonction de pédales constitue un progrès absolument déterminant qui fait de cette machine l’ancêtre incontesté de nos vélos actuels.
* Le développement est la distance parcourue à chaque tour de pédales, de l’ordre de 3 m sur un vélocipède.
Conscients du potentiel de cette machine, deux jeunes étudiants de l’École Centrale, les frères Aimé et René Olivier, aidés par leur ami Georges de la Bouglise, s’intéressent dès 1863 aux activités de Pierre Michaux. Face à sa productivité artisanale qu’ils jugent insuffisante, ils vont prendre une participation financière en mai 1868 dans la formation de la société Michaux & Cie, puis le contrôle total en avril 1869 avec la fondation de la Compagnie parisienne de vélocipèdes qui va industrialiser la production et connaître immédiatement un développement exponentiel.
Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer l’engouement que suscite le vélocipède à partir de 1867, notamment à la suite de l’Exposition universelle de Paris. Toute la haute société et les gens aisés se font un devoir de posséder et de maîtriser cette machine, ce qui n’est pas si facile. À l’image du cheval, l’apprentissage se fait le plus souvent dans des manèges :
Ainsi naquit la « vélocipédomanie », véritable phénomène de société : « Pour aller à vélocipède, l’âge et le sexe sont déjà chose indifférente... Le vélocipède n’est plus une mode, on en a fait une rage. Avant six mois, cela tournera à l’épidémie. On en voit dans les promenades publiques... On en pousse au bois (de Boulogne) par centaines... On fait déjà ses visites en vélocipède », peut-on lire dans Paris-Caprice le 25 avril 1868.
Le Tout-Paris se met à pratiquer, des Véloce-Clubs se créent, des courses s’organisent, la presse est envahie de récits, conseils et autres anecdotes. Des journaux spécialisés comme « Le Vélocipède illustré » apparaissent et les membres du huppé Jockey Club s’y adonnent. Le jeune prince impérial Eugène Napoléon lui-même, fils de Napoléon III, devient un fervent adepte et fait même du prosélytisme au point qu’il est surnommé « le petit qui pédalait partout » et plus tard « Vélocipède IV ».
Les ateliers de fabrication et d’assemblage se multiplient par dizaines. L’écrivain Aimé Vingtrinier écrira : « Dans l’énumération des âges, on appellera 1868 l’année du vélocipède comme on dit de 1497, année de la découverte de l’Amérique ».