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Le Nymphée de Soufflot

Acquisition du Nymphée de Soufflot : la Ville enrichit son patrimoine. Cette acquisition ouvre la porte à une restauration rendue indispensable par les vicissitudes du temps, avant une ouverture au public. L’occasion pour de nombreux Catoviens de (re)découvrir ce joyau de notre histoire !

Publié le 7 décembre 2021

La naissance du Nymphée de Soufflot 

Henri-Léonard Bertin DR
Henri-Léonard Bertin DR
Le dernier Seigneur de Chatou s’appelle Henri-Léonard Bertin (1720-1792). Intendant de Lyon, lieutenant général de police de Paris, contrôleur général des Finances puis ministre d’État et membre du Conseil d’État du Roi Louis XV durant de longues années, Bertin est un homme visionnaire. C’est lui qui a créé les premières écoles vétérinaires au monde, les premières écoles de boulangerie, d’agriculture et d’horticulture... Passionné par le développement de l’agriculture, il jette son dévolu sur le potentiel agricole des terres de Chatou, idéalement situées entre la Seine et Versailles. En 1762, il achète donc les deux seigneuries de Chatou et de Montesson. Bertin ne cesse ensuite de compléter ses acquisitions à Chatou jusqu’à constituer un immense domaine qui s’étend de l’actuel cimetière des Landes à l’île de Chatou ! Bertin fait réhabiliter le château et les jardins. Son domaine est d’ailleurs reconnu pour son très beau potager et sert la cause de l’agriculture, de l’arboriculture et de l’horticulture.

Mais Bertin veut plus : il veut doter son jardin d’une œuvre originale et pérenne. Il veut un ouvrage ingénieux et de bel agrément dans le style des parcs de la Renaissance. Et il veut aussi que cette construction recueille les eaux de ruissellement issues de sa pièce d’eau creusée un kilomètre plus haut, aujourd’hui située dans la Villa Lambert.

Jacques-Germain_Soufflot DR
Jacques-Germain_Soufflot DR
Il s’adresse alors à l’architecte français Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) qu’il a connu à Lyon lorsqu’il exerçait la charge d’Intendant de cette ville. Ces deux hommes, sous la protection de Madame de Pompadour, vont alors réaliser ensemble un édifice exceptionnel : le Nymphée de Soufflot.

Un nymphée est la maison d’une nymphe !

Pour la construction de l’ouvrage, Soufflot trouve son inspiration dans ses souvenirs et dans l’évocation des Nymphes.

Les Nymphes – dont le mot en grec se traduit par jeunes filles ou fiancées –, sont de gracieuses déesses que les Grecs croyaient rencontrer dans les montagnes, près des rivières et des sources. Elles répandaient l’eau salutaire au moment du renouveau et habitaient dans des grottes. L'une d'elles, poursuivie par le Dieu Pan, lui échappa en se réfugiant dans une grotte et en se transformant en source. C’est ainsi que les grottes naturelles ou artificielles avec de l’eau sont devenues des sanctuaires consacrés aux Nymphes et ont pris le nom de « Nymphée ». On prêtait d’ailleurs aux eaux qui en jaillissaient un effet curatif.

L’architecte Soufflot a donc imaginé une grotte dédiée à une Nymphe autour de deux éléments audacieux : une longue voûte en forme de coquille adossée à un talus et un décor avec des incrustations de minéraux, de pierres meulières, de coquillages, de scories et de résidus de fonderie que le ministre Bertin avait à sa disposition.

Cette conception originale, supportée par 18 colonnes disposées en demi-cercle, donne un éclat particulier au Nymphée de Chatou.

Elle le situe aujourd’hui comme un élément majeur de l’art décoratif français dans les jardins à la fin de l’Ancien Régime. Mais cette construction édifiée entre 1774 et 1777 n’est pas que décorative, elle joue également un rôle utilitaire avec son système d’irrigation des eaux environnantes. Ce Nymphée est donc tout simplement unique par sa dimension (près de 30 mètres), son jeu chromatique inédit et ses prouesses techniques… et c’est aussi un des rares Nymphées encore existants en France !

Péril en la demeure 

La propriété que Bertin a mis plusieurs années à réaliser a été détruite et morcelée avec le temps. Classé monument historique le 4 juin 1952, le Nymphée est actuellement sur une propriété privée. Grâce à son emplacement retiré et protégé et grâce aux procédés novateurs utilisés par l’architecte, le Nymphée a résisté au temps, mais il est actuellement en danger. L’architecte spécialisé dans la rénovation de bâtiments historiques est alarmiste. Il pense que le Nymphée peut subir de graves dommages à tout moment et que les travaux de restauration – qu’il estime à 2 ans minimum – sont vraiment urgents.

Car outre la dégradation visible des colonnes, il faut aussi restaurer tout le système interne de récupération des eaux pour remettre le bassin en eau… sachant que la dernière restauration remonte à 1967 !

Mardi 9 novembre 2021 - Jour historique à Chatou : signature de l’achat du Nymphée de Soufflot.

signature du Nymphée
Le Maire, Éric Dumoulin - en présence de Monsieur et Madame Prot, propriétaires du site sur lequel se situe le Nymphée de Soufflot - a signé au nom de la Ville de Chatou, les actes d’acquisition de ce monument d’exception.

   

   

   

    

3 questions à Pierre Arrivetz,

Adjoint au Maire chargé de la Mémoire combattante, du Patrimoine historique et de l’Histoire

La Ville vient d’acquérir le Nymphée de Soufflot. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous et pour Chatou ?

Le sauvetage du Nymphée, édifice achevé en 1777, et classé monument historique le 4 juin 1952, ne pouvait attendre dix ans de plus. En 1999, l’architecte en chef des bâtiments de France interviewé par Le Monde considérait qu’un accident n’était pas impossible. Déclaré en péril par les services de l’État en 2002 puis de nouveau en 2015, le Nymphée représente un combat de 25 ans pour l’association de défense du patrimoine Chatou Notre Ville, que j’avais l’honneur de présider, ainsi qu’une demande insistante en qualité de conseiller municipal au gré de mes tribunes depuis seize ans. À titre personnel, c’est donc une satisfaction pour l’intérêt commun mais surtout un soulagement pour le monument lui-même, même si nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Pourquoi est-ce un moment unique dans la vie d’une commune et pour le patrimoine ?

Pour la Ville, c’est une décision historique au même titre que le rachat de la maison Fournaise en ruine en 1979. Le Nymphée portera l’image de Chatou à travers le monde et dans les parcours touristiques. On compte officiellement moins de dix nymphées en France. Même les jardins de Versailles ne possèdent pas un tel monument. D’une façade polychrome d’environ vingt-cinq mètres de long, il symbolise une réalisation particulièrement réussie de l’un de nos plus grands architectes du siècle des Lumières, Jacques-Germain Soufflot (1713-1780) assisté de son collaborateur Jean Rondelet (1743-1829) plus connus pour la construction de l’église Sainte-Geneviève, devenue le Panthéon, et les embellissements de Lyon. Il fait partie du génie français que le commanditaire de l’édifice, le ministre Bertin, dernier seigneur de Chatou de 1762 à 1789, membre de l’Académie des Sciences, n’a cessé de soutenir dans ses fonctions.

La restauration de ce monument va être un processus long et délicat avant que le public puisse le visiter et que des animations puissent avoir lieu en son sein. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La restauration prendra plusieurs années. On sait peu que la première restauration entreprise sur le monument date de 1828. C’était déjà remarquable pour l’époque. Le propriétaire, Monsieur Lacroix, en fut l’initiateur. En 1967, avec le concours financier du propriétaire, Monsieur Tantet, et de collectivités locales, une seconde intervention eut lieu sur les ailes et dans le bassin, mis hors d’eau. On peut considérer que la restauration d’ensemble qui va suivre sera une œuvre particulièrement délicate mais de première importance pour le rayonnement du patrimoine français.

    

  • Nymphée de Soufflot ©Evelyne Desaux
  • Nymphée de Soufflot intérieur
  • Nymphée de Soufflot
  • Nymphée de Soufflot
  • Nymphée de Soufflot

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