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Le grand témoin :

Marta de Cidrac, Sénatrice des Yvelines

Publié le 8 mars 2021

Marta de Cidrac

Pourquoi parle-t-on de violences intrafamiliales ?

Lorsqu’une femme subit des violences, souvent sa première préoccupation est d’évaluer son risque d’être séparée de son enfant ou de voir son enfant lui-même devenir victime. Et avec le confinement du printemps 2020, les violences conjugales ont pu s’exacerber et transformer les enfants en victimes collatérales, parce-qu’ils ne pouvaient échapper ni aux querelles de leurs parents ni parfois à leurs coups. C’est pourquoi on parle plutôt aujourd’hui de la prise en charge des violences intrafamiliales.

Le confinement du printemps dernier a-t-il été un révélateur ?

Un révélateur non, mais une prise de conscience pour le grand public oui ! Ce qui s’est passé également c’est qu’en raison de l’obligation de rester chez soi on a entendu plus facilement ce qui se passait chez ses voisins. Beaucoup plus de plaintes et de constatations ont été enregistrées par les forces de l’ordre durant cette période car l’enfermement a agit comme une cocotte-minute dont la seule soupape pour certains a été la violence.

Comment lutter contre ces violences sourdes et souvent cachées ?

Il faut à la fois une sensibilisation globale et collective pour bien faire prendre conscience aux victimes que ce qu’elles subissent n’est pas normal et au-delà que cette sensibilisation soit suivie d’actions. Lorsque l’on est témoin d’une violence ou d’un risque de violence il faut le signaler. C’est vital et faire œuvre de salubrité publique vis à vis de la victime qui ainsi se sent moins seule et vis à vis de l’agresseur qui prend alors conscience que les regards de la société sont tournés vers lui. Cette prise de conscience collective est importante et peut, je le pense, contribuer à la prévention globale du phénomène.

Quels sont les dispositifs de lutte contre les violences intrafamiliales ?

De nombreux dispositifs existent portés par des structures publiques ou associatives. Et une trentaine d’actions concrètes a été mise en place dans les Yvelines depuis le confinement. La CAF a édité un fascicule en plusieurs langues
pour atteindre des femmes de toutes origines. Des grands centres commerciaux ont placé - sur leurs tickets de caisse - des informations pour faire connaître le numéro d’appel de la cellule d’écoute et d’orientation le 3919. Des formations spécifiques des agents de Police Municipale ont été coordonnées par des agents de la Police Nationale. Et je tiens dans ce domaine à souligner ici le formidable travail du Majore Fabienne Boulard. Des associations comme Women SAFE ou Le Chemin sont particulièrement actives. Le dispositif FLORA (Femmes, Logement, Réseau d’Accompagnement) a été lancé sur les communes de Poissy, Achères, Conflans-Saint-Honorine, Andrésy et Maurécourt et ne demande qu’à s’étendre... À Bois d’Arcy a été ouverte La Maison de Confiance et de Protection des Familles des Yvelines sous l’égide de la Gendarmerie Nationale qui a vocation à traiter du foyer et de la sphère familiale. 53 autres maisons de ce type doivent voir le jour en France.

Ce ne sont là que quelques exemples et les Yvelines se montrent très actives. Mais il est essentiel pour aller plus loin que des échanges constructifs se fassent au niveau local. Les élus doivent particulièrement se mobiliser car même dans nos territoires dits « privilégiés » il y a des femmes victimes de violences physiques ou morales. 

Comment voyez-vous les choses ?

Je crois à la prévention. Et j’aspire au fait que sur l’Intercommunalité Saint Germain Boucle de Seine, il soit possible de lancer - par exemple dans le cadre d’une semaine de sensibilisation - un message fort, une campagne d’affichage pour prendre acte et montrer aux victimes que les élus locaux ne les lâcheront pas. Il est important également de montrer, notamment aux enfants, que les violences ne sont pas la normalité et de faire savoir aux agresseurs qu’ils ne resteront pas impunis.
Nous sommes dans un enjeu de société. Dès lors que l’on ne gère pas les adultes victimes, on sacrifie la génération qui suit - à savoir les enfants - qui n’ont alors que la violence comme norme éducative. Et je tiens à souligner qu’il est possible de faire reculer la violence intrafamiliale si l’on s’en donne les moyens. L’Espagne par exemple a réussi ce pari en débloquant des budgets importants et ciblés. J’espère que la France saura - au-delà des mots - se hisser à la hauteur de ses ambitions affichées.

Quels conseils donneriez-vous à une personne victime de violences ?

Je sais bien que ce n’est pas toujours facile, mais l’essentiel est de se signaler, d’en parler autour de soi : collègues, institutions, proches, associations peu importe mais le premier pas est de déverrouiller la parole et ensuite de porter plainte. Et j’insiste sur le fait que toutes les violences ne sont pas visibles. Il ne faut pas sous-estimer les violences psychologiques qui font tout autant de dégâts que les violences physiques.

Propos recueillis par Christophe Ragué